Session L/N
Comprendre, géovisualiser et enseigner les territoires à partir de savoirs et de données géographiques : enjeux sociaux, techniques et méthodologiques
Coporteure·s : Françoise BAHOKEN (AME-Splott / UGE – Géographie-cités), Étienne CÔME (COSYS-Grettia), Sylvestre DUROUDIER (Géographie-cités), Julie FEN-CHONG (Théma), Françoise LUCCHINI (IDEES) & Boris MERICSKAY (ESO / Université Rennes 2)
La connaissance des territoires, tant sur les plans scientifique que pédagogique et opérationnel, est étroitement liée à l’information mobilisée pour les identifier, les décrire et les analyser. Ce lien ancien entre territoire et apprentissage est aujourd’hui renouvelé au sein des sciences de l’information géographique / territoriale et des humanités numériques, grâce à l'émergence de « nouvelles données » géolocalisées et de leurs potentialités d’utilisation dans le geoweb.
L’accès à des données massives ou petites (big / small data), hétérogènes, incertaines ou lacunaires, avec des résolutions spatiotemporelles souvent fines pouvant être issues des réseaux sociaux, de plateformes numériques, de capteurs géolocalisés, d’initiatives participatives ou contributives telles qu’OpenStreetMap (OSM), de sources institutionnelles ouvertes ou d’entreprises privées… pose de nouveaux défis aux gestionnaires des territoires.
Nous proposons de questionner ces nouveaux défis en lien avec l’enseignement et l’apprentissage sur les territoires. Le principal d’entre eux étant de pouvoir fournir du sens sur les territoires, il s’agit pour cela d’augmenter l’accessibilité des données localisées et de faciliter l'exploitation d’informations toujours plus variées. L’idée étant, d'une part, de rendre intelligibles des données brutes, afin de percevoir, d’interpréter la complexité des systèmes territoriaux et d’éclairer les prises de décisions ; d’autre part, de communiquer auprès des citoyens une information claire et aisément compréhensible.
Face à ces attentes, la valorisation de données territoriales dans le cadre de leur (géo)visualisation sous la forme de graphiques, de cartes, d’applications ou de tableaux de bord est une approche pertinente. Elle ne saurait toutefois se limiter aux seules images (carto)graphiques : la (géo)visualisation englobe en effet et nécessairement les questions liées à la collecte des données, à leurs traitements et à leur analyse en vue de leur communication auprès de publics variés. C’est pourquoi il apparaît nécessaire de s’interroger tant sur les dimensions sémiologiques et cognitives que techniques et graphiques de ces représentations, de même que sur les dispositifs impliqués. De plus, les interactions et les manipulations réalisées via et sur ces interfaces doivent également être étudiées et analysées afin d’extraire des connaissances sur leurs usages.
Cette session est coorganisée par l’Action de recherche (carto)graphies et (géo)visualisation de données (CartoGeoViz) du GDR CNRS MAGIS (AR9magis) et par l’axe Information territoriale locale (INFTER) du CIST. Elle s’intéresse à l’utilisation de données territoriales par des acteurs variés : à leurs exploitations et à leurs usages au sein de dispositifs contemporains d’exploration, de (géo)visualisation et de communication d’informations destinées à des publics aussi variés. Elle revêt une double dimension réflexive sur les méthodes (de collecte, de traitement et de représentation de ces données) et sur les outils et dispositifs, en raison de leur fonction de médiation.
La session ambitionne d’échanger sur les enjeux et les défis sociaux, techniques et méthodologiques liés à l’utilisation de données statistiques (thématiques), dans un contexte de formation et d’apprentissage, pour produire de la connaissance sur des espaces territoriaux.
Son objectif général est d’examiner la manière dont l’information issue d’analyses (géo)numériques et cartographiques permet « d'apprendre », de « faire apprendre » et de « porter à connaissance » sur les territoires. Les traitements mis en œuvre, notamment dans le cadre d’applications en ligne, donnent en effet à voir, sous de multiples formes, la structure, le fonctionnement et les dynamiques territoriales en présence. Leurs modalités de (géo)visualisation contemporaine (possibilités d'exploration, d’interaction, d’analyse et de représentation…) seront ainsi discutées, de même que les dispositifs de médiation utilisés (plateforme cartographique, tableau de bord, visualiseur…) pourront faire l’objet d’une attention particulière, qu’ils émanent de structures académiques ou publiques, d’organismes privés ou relèvent d’initiatives associatives.
Questionnements et types de propositions
- Quelles productions de données locales par différents acteurs territoriaux (institutionnels versus privés et associatifs) ? Comment sont-elles articulées aux mailles d’action locale et selon quelles conditions juridiques (droit des données, diffusion, éthique) ?
- Quelles logiques d’acteurs dans la production et dans la mise à disposition d’outils dédiés à la compréhension des territoires ?
- Quelles méthodes sont mises en œuvre pour conduire des approches territorialisées décloisonnées, permettant d’articuler différentes dimensions sociales, économiques et environnementales ? Quels nouveaux indicateurs sont créés pour produire de la connaissance locale ?
- Quelles utilisations de données locales hétérogènes dans l’enseignement des territoires et leur apprentissage à l’université ? Quels sont les enjeux, les obstacles liés à ces apprentissages ? Quels enjeux de formation des (futurs) praticiens dans l’appropriation des instruments de géovisualisation.
- Quelles stratégies pédagogiques existent au regard des différents types de données (massives / petites [small / big data], hétérogènes, lacunaires, incertaines…) ? Comment intégrer un questionnement éthique et critique par rapport à cette « ère des données » dans l’enseignement ?
- La nouvelle instrumentation de (géo)visualisation permet-elle de questionner l’objectivité supposée de la représentation des territoires ? Quels enjeux de compréhension des différents publics (étudiant, citoyens, spécialistes, élus) ? Y a-t-il ou non un risque de visions erronées ou détournées qui découlent de la manipulation de ces données ? Quels enjeux de littéracie (géo)numériques dans l’appropriation et l’utilisation d’outils dans la compréhension des territoires ?
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