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Session D.

Apprendre des territoires en conflits / Enseigner les territoires en conflits

Coporteures : Caroline ROZENHOLC-ESCOBAR (LAVUE-CRH / ENSA Paris-Val de Seine) & Claire ARAGAU (Lab'Urba / UPEC)

Cette session souhaite, dans une dimension internationale, se saisir de la thématique du colloque pour aborder la notion de territoire à l’aune des questions de conflit et de contestation. Si ces dernières sont très spécifiques, elles sont aussi particulièrement heuristiques pour « apprendre des territoires » que ce soit en termes d’échelles et de temporalités, ou d’intensité et de types de conflictualité. Elles permettent également de montrer comment politiques, institutionnels et citoyens peuvent « apprendre » de ces territoires conflictuels – dans l’urgence ou de manière diffuse – et des dynamiques sociospatiales qui les traversent, que les arbitrages qui les régulent relèvent de logiques d’empowerment ou de formes autoritaires de résolution.

Pour en traiter, trois entrées possibles, ouvertes aux enseignantes et enseignants-chercheurs qui mobilisent ce qu’ils apprennent des territoires en conflits dans leurs propres enseignements :

  • Une première s’intéresse aux territoires en guerre : qu’est-ce que cette situation – toujours exceptionnelle, mais largement partagée dans l’espace et le temps (long ou court) – nous apprend du ou des territoires et comment y déploie-t-on des terrains de recherche ? On pense, ici, à des travaux conduits dans les territoires kurdes, syriens ou israélo-palestiniens, plus récemment ukrainiens, pour comprendre, au-delà des affichages et partis-pris politiques, la complexité des divisions sociales internes aux groupes officiellement constitués. On pense également à la cible constituée par certains patrimoines culturels ou au souci de le protéger et ce que cela raconte des territoires en guerre, comme à Bamyan (Afghanistan) ou à Lalibela en marge du Tigré (Éthiopie).
  • Une deuxième s’intéresse moins aux situations de guerre ouverte qu’aux usages conflictuels et aux conflits d’usages de longue durée qui (re)composent les territoires et participent à leur découpage en territoires à occuper. On pense, là, à des formes d’appropriation qui bravent le droit de propriété pour faire prévaloir l’usage : mouvement des Sans-terre, Sans-toit au Brésil et « zones à défendre » en France, droit au logement, droit à la terre nourricière et/ou non-préemptée par l’État dans des territoires qui deviennent les porte-drapeaux de ces revendications. Leur existence et leur dénomination sont constitutives de ces mouvements.
  • Une troisième porte sur les conflits et contestations liés aux ressources les plus convoitées que sont l’eau et le blé, mais aussi le gaz et le pétrole, entre autres. La ressource a la capacité de faire et défaire les territoires pris dans une géopolitique des arbitrages liés au manque, au partage souvent inégalitaire de cette manne essentielle ou motrice des activités humaines contemporaines (barrages, gazoducs, pipelines, schéma directeur d’aménagement de gestion des eaux, etc.). Les rapports de voisinage que le partage de la ressource induit et leur décryptage nous permettent d’apprendre des territoires et de comprendre les fluctuations des périmètres spatiaux pour accéder, sécuriser un accès ou en priver un voisin.

À partir de ces trois entrées, la session devrait permettre de saisir la géométrie particulièrement variable de ces territoires, la réalité des conflits qui les façonnent et les recomposent parfois durablement, en croisant échelles d’analyse, de conflictualité et modalités d’apprentissages potentiels.

Références bibliographiques indicatives

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Blanchon D., 2019, Géopolitique de l’eau. Entre conflits et coopérations, Paris, Le Cavalier Bleu.
Bridonneau M., 2014, « Déplacer au nom de la sauvegarde patrimoniale et du développement économique ? », L’Espace politique, 22(1).
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Rozenholc C., Yankel F., 2016, « D’une tente à l’autre. “Crise du logement” et mobilisations sociales en France et en Israël », Annales de géographie, 707(1), p. 5-27.
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Torre A., Caron A., 2005, « Réflexions sur les dimensions négatives de la proximité : le cas des conflits d’usage et de voisinage », Économie et institutions, n° 6-7, p. 183-219.
Zetlaoui-Léger J., Macaire E., Tcherkassky C., 2022, « Architect Collectives and the Coproduction of Places in the “Grey Zones” of Urban Development Planning: The Educational Institution as a Mediation Framework », Architecture, 2(1), p. 67-94.

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